13-05-2015 / IN Publications

Arrêt de la CJUE 9e Chambre 15 janvier 2015 (C537/13) Affaire : SIBA
Cet arrêt statue sur l’interprétation de la directive du 5 avril 1993 93/13/CEE concernant les
clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

En l’occurrence, il s’agissait de savoir si un avocat qui est un professionnel, à savoir «toute personne physique ou morale qui dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle qu’elle soit publique ou privée» peut se voir opposer le contenu de cette directive en ce qui concerne des clauses abusives.

1. LES FAITS:

Un client, personne physique, a conclu trois contrats standardisés de prestation de services juridiques avec un avocat qui ne précisait :

-ni les modalités de paiement,
ni les différents services juridiques visés
-ni le coût des prestations

L’avocat a sollicité la délivrance d’une injonction de payer pour obtenir le règlement de ces prestations de service juridique.

Le client a invoqué sa qualité de consommateur, l’application de la Directive du 5 avril 2013 et saisi la juridiction qui interroge la Cour de Justice Européenne.

La Cour estime :

Que dans le domaine des prestations offertes par les avocats, il existe en principe une inégalité entre les «clients consommateurs» et les avocats, due à l’asymétrie de l’information entre les parties.

L’avocat qui fournit à titre onéreux un service juridique au profit d’une personne physique agissant à des fins privées est «professionnel » au sens de la directive 93/13CEE et le contrat relatif à la prestation est soumis à cette directive.

En conséquence, la juridiction doit prendre en compte la nature particulière de ce service dans son appréciation du caractère clair et compréhensible des clauses contractuelles et donner à celles-ci, en cas de doute, l’interprétation la plus favorable au consommateur.

En réalité, l’enjeu c’est que ce qui n’est pas explicité par une clause valable n’est pas dû. Autrement dit, une clause abusive peut être frappée de nullité.

II. EN PRATIQUE :

Première observation : il y a une particularité française qui a créé la notion de « non professionnel », la loi étend en France sa protection aux consommateurs et aux non professionnels (article Ll32-1 du Code de la Consommation).

Dès lors, quid du champ d’application de la mise en œuvre de cet arrêt du 15 janvier 2015 qui pourrait concerner non seulement le consommateur, mais aussi tous les non-professionnels et donc in fine, tous les clients des avocats 7

Deuxième observation : tous les professionnels du droit et du chiffre sont concernés : notaires, huissiers de justice, mandataires judiciaires, experts comptables.

Troisième observation : cet arrêt pose des questions en ce qui concerne le rôle respectif du juge et du bâtonnier dont notamment:

– Quid de la répartition de compétence en cas de contestation des honoraires :
compétence explicite du bâtonnier du bureau du cabinet principal de 1’avocat, ou
si le droit de la consommation doit être applicable compétence du lieu où réside le consommateur 7

Le bâtonnier devra-t-il examiner d’office la problématique du droit de la consommation dans les contentieux des honoraires 7

En effet, en principe, le Juge National a l’obligation de relever d’office le caractère abusif des clauses et de prendre toutes les mesures d’instructions nécessaires.

Si le bâtonnier ne le fait pas, il risque de voir sa décision censurée par la Cour d’Appel.

Quatrième observation : quid de la prescription applicable désormais aux actions en recouvrement des honoraires de 1’avocat : cinq ans actuellement ou deux ans si 1’on considère que le client est une personne physique ou un non professionnel pouvant se prévaloir de la Directive du 5 avril 2013 7

Catherine BOINEAU KUCKENBURG BURETH
BOINEAU ET ASSOCIES